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EXTRAIT DE LA PRÉFACE DE LA PREMIERE EDITION xix

L’impartialité. — La seconde loi qui s’impose à l’apologiste est celle de l’impartialité. L’impartialité n’est, au fond, qu’une forme spéciale de la justice ; dans le cas actuel, c’est la ferme disposition à attribuer à chaque argument, à chaque opinion, la force probante ou la valeur qui iui appartient, et qu’un homme ami de la vérité doit lui reconnaître. Or, le jugement porté sur une opinion, ou sur un argument, dépend surtout des principes qui constituent, pour chaque individu, la règle d’après laquelle il mesure la vérité des choses, et de là est né le préjugé si répandu que l’apologiste ne peut être impartial ; c’est, dit-on, un avocat et non un juge. Les motifs qui, dans l’opinion commune, doivent toujours faire soupçonner l’impartialité de l’apologiste sont les deux suivants : le premier est sa conviction même, et le second est son désir de réussir, aux yeux du lecteur, dans la tâche qu’il entreprend. Examinons de près ces deux causes prétendues de la partialité imputée à l’apologiste.

La première, si elle exerce une influence quelconque, agit sur tout homme qui entreprend de traiter sérieusement la question religieuse ou même n’importe quelle question : elle inllue également sur tous, croyants, incroyants ou sceptiques. En effet, il faut supposer chez l’auteur qui veut traiter sérieusement les questions d’apologétique, une étude préalable suffisante, sans laquelle il serait évidemment incapable de pénétrer à fond les arguments et d’en apprécier la valeur. Or, cette étude l’a nécessairement conduit à la persuasion, soit de la vérité de la foi catholique, soit de sa fausseté, soit de son incertitude. Dans le premier cas, il ne peut être impartial, dit l’objection, parce que sa conviction l’entraîne invinciblement à exagérer la valeur des arguments favorables et à diminuer celle des arguments opposés. Il faut évidemment en dire autant de l’incroyant, que la persuasion de la fausseté de la religion entraîne en sens contraire. Reste donc le sceptique, celui dont la persuasion est que la vérité de la religion est douteuse, qu’elle ne peut être connue avec certitude. Sa condition est-elle meilleure que celle du croyant ou de l’incroyant ? Eu aucune façon. Car sa conviction que la certitude est impossible, en cette matière, l’entraînera naturellement àdiminuer la valeur de tous les arguments capables de convaincre en un sens ou dans l’autre et à exagérer celle des arguments opposés soit à la foi, soit à l’incrédulité. Si, en elfet.il reconnaissait la force démonstrative d’un seul argument, n’importe en quel sens, sa conviction serait logiquement détruite, et il deviendrait par le fait même croyant ou incrédule. Sa situation, au point de vue de l’impartialité, est donc absolument la même que celle des autres : son esprit est préoccupé par une conviction d’après laquelle il juge, celle de l’incertitude de la vérité religieuse. Si le préjugé vulgaire contre l’apologiste était fondé, il faudrait donc admettre cette conclusion absurde : Quiconque a suflisamment étudié la question religieuse pour se faire une conviction est incapable de la traiter parce qu’il est partial ; celui-là seul peut la traiter avec impartialité, c’est-à-dire avec justice, qui ne l’a pas étudiée !

Le second motif allégué contre l’impartialité de l’apologiste a moins de valeur encore. On dit, en effet, que le défenseur de la religion est porté à altérer 1° vérité, ou du moins à la voiler, par le désir qu’il a de faire triompher la religion plus complètement aux yeux de son lecteur : en d’autres termes, on suspecte sa loyauté à cause de son amour pour la religion et aussi à cause de sa vanité intéressée à gagner devant le lecteur la cause dont il a pris la défense. Mais s’il en coûte au croyant d’avouer qu’il ne voit pas la solution de telle dilliculté, dirigée contre la foi chrétienne, ou que telle preuve invoquée par lui n’a pas toute la valeur désirable, l’aveu est-il moins pénible, en pareil cas, pour l’athée ou pour le sceptique ? Ceux-ci désirent-ils moins vivement que lui triompher aux yeux de leurs lecteurs ? Si cet argument était fondé, il ne serait plus jamais permis de prendre la défense d’aucune opinion, même pour soutenir qu’elle est douteuse, sans s’exposer au soupçon de manquer de loyauté. L'écrivain est protégé contre la tentation de déloyauté dans la controverse par la voix de sa conscience, qui lui commande de respecter avant tout la vérité, et celle voix se fait entendre aux amis comme aux ennemis de la religion. Chez les catholiques, elle est fortifiée par la voix de l’autorité exlerieure.de l’Eglise, qui commande à l'écrivain de défendre sa religion par la vérité et seulement par la vérité. Naguère encore, dans son Bref S.rpenitmero considérantes (i * s 3), le chef de l’Eglise rappelait solenne.lement celle loi : « Avant loul, disait il. que les écrivains aient ceci présent à l’esprit : la première loi de l’histoire est de n’oser rien dire de faux, ensuite c’est de ne pas craindre de dire la vérité quelle qu’elle soit et de ne prêter à aucun soupçon de (laiterie ou d’animosilé (i). « 

Le commandement de la conscience, commun à tous les hommes et ensuite le commandement de l’Eglise. acre pour tout catholique, voilà ce qui protège l’apologiste contre la tentation de partialité, et doit écarU i 'le lui autant et plus que de tout autre, le soupçon de déloyauté dans la discussion.

Mais il y a plus, l’apologisle catholique se trouve placé, sous le rapport de l’impartialité, dans une condition beaucoup plus favorable que ses adversaires. En effet, la conviction absolue qu’il a de la vérité de la religion et de son triomphe final, la solidité des preuves qui l’appuient, solidité attestée par l’expérience

(I) 'i lllud in primis scribentium observetur animo : prima m eue hiatoriæ legem ne quid falti dicere audeat deinde rpiid veri non audeat ; ne qua ratio : lit in acribendo, 0, 0 quo limultotis. »