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LE LIVRE DE GOHA LE SIMPLE

Waddah-Alyçum et ses amis se sont moqués de toi comme d’un bouffon. Tu es mon fils, entends-tu ? et ta honte rejaillit sur moi.

Il s’interrompit encore, gagné par l’émotion. Penché vers Goha, il ajouta :

— Mon fils, tu as en petit le cerveau d’un âne et tout le monde le sait. Qu’on te frappe, qu’on te parle, qu’on t’embrasse même, sache qu’on se moque de toi… Tant que tu vivras, Goha, on se moquera de toi.

Docilement, Goha se laissa convaincre et c’est ainsi qu’il abandonna ses rêves humanitaires. Les hommes vers lesquels il avait eu un élan de tendresse, reprirent leur expression sévère et méprisante. De son côté, il retrouva sa bienheureuse indifférence.

Ses journées s’écoulèrent, tranquilles. Il partageait le jeu de ses sœurs et flânait dans les environs d’El-Kaïra. Craignant les entreprises, il n’eut d’autre initiative que le choix de ses promenades. Il dépensa son énergie sans fatigue et, malgré la violente passion de Hawa, l’harmonie de sa nature, et de son existence ne fut pas troublée.