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— Il ne veut pas s’en aller ?… Eh bien, tu n’as plus qu’à le garder.

— Mabrouka ! cria-t-il hors de lui… Ne suppose pas que je supporterai plus longtemps tes insolences !

— Mes insolences !… fit-elle sans se troubler, mais avec une mine stupéfaite. Mes insolences, ô Nabi !… Et quand ai-je été insolente ? Et pourquoi aurais-je été insolente ?… Est-ce que je ne suis pas née d’une mère honorable et d’un père respecté ? Est-ce que je n’ai pas été une épouse fidèle et suave ?… Demande à Warda la dallala ce qu’elle pense de ma vertu et de ma beauté ? Et j’aurais dit une insolence, moi qui, cette nuit même…

Cheik-el-Zaki, gêné par ce souvenir, essaya de l’interrompre. Elle poursuivit, avec les signes d’une stupeur croissante :

— Mes insolences !… quand hier encore j’ai failli avoir un coup de sang en me disputant avec la cuisinière qui grille trop le mouton alors que tu l’aimes bien tendre depuis que le barbier t’a arraché les dents — je pleure quand je songe à ce que tu as souffert ce jour-là — mais aussi comment garder des dents qui vous gonflent les joues ? — n’importe, si je voyais ce barbier, je sens que je m’évanouirais —… Mes insolences !… quand je ne trouve pas de robe qui soit digne de la femme d’un grand Cheik comme toi… Et pourquoi ces insolences ? Parce que tu m’as dit que Goha voulait rester et que je t’ai répondu de le garder ou de le mettre dehors… Car il faut le