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MUSIQUES

baiser éternel de la postérité ! Mourir après, mourir après, mourir au seuil même du jardin, qu’importe, pourvu que l’on y entre. Et de nouveau et comme en rêve, vibrèrent les paroles prononcées en face de Venise ardente ; mourir avec sur les lèvres des mots diaphanes et sonores ! Mourir…

Alors, le désir d’une œuvre lui étreignit la chair, car les poètes sentent leur art, bien autant par le corps que par l’intelligence. Les mots flamboyaient en lui. Les peintres se servent de mille couleurs, les musiciens possèdent leurs gammes, le poète a le clavier merveilleux et agile de mots variés infiniment. Jacques chercha en lui-même les images dont il ferait surgir la ville et la lagune, les phrases dans lesquelles, comme autrefois dans les sarcophages d’Egypte, il pourrait ensevelir ces Reines mortes. Et les minutes se répercutaient pareilles au tonnerre. Il était dans le délire du Créateur. Il se sentait capable, malgré son apparence frêle, de renou-