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LE BAISER DE NARCISSE


les dents aiguës et la langue saine, puis à pas lents et presque irrésolus se dirigeait vers la fontaine, bruissante, chantante, aux grelots argentins…

« Il me semble évoquer la légende du Prométhée dont, en place des vautours, une colombe dévore le cœur… »

L’éphèbe, penché sur l’eau fugitive, demeura un instant silencieux, attiré par la svelte image qui s’y dessinait. Une violette se détacha de ses cheveux, tacha le reflet ingénu… Alors, comme Scopas se dirigeait vers lui pour le surprendre, mutin, il évita la caresse, et, frisant d’un souffle le liquide cristal, extasié de lui-même, Milès, à genoux près du miroir, y posa un baiser.

Mais le vent qui passait l’effaça…


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