— Eh bien ! cher père, êtes-vous content ? s’écria-t-il en rentrant au logis.
— Veux-tu que je te dise mon opinion ? répondit le père.
— Mais certainement.
— C’est que tu n’as pas le moindre talent, et que tu as été détestable. Il vaut mieux être n’importe quoi, qu’un mauvais avocat. Tu m’as obéi, je n’ai rien à te reprocher. D’ailleurs, les études que tu as faites ne seront jamais perdues. Laisse-moi le soin de te chercher une autre carrière ; dans huit jours, j’aurai pourvu à tout. Voilà ta clef, fais ce que tu voudras en attendant ma décision.
L’échec qu’il venait d’éprouver ne touchait nullement notre jeune homme : il se sentait plutôt heureux d’être autorisé à renoncer à une profession pour laquelle il n’avait aucune vocation. Mais son père avait vu avec inquiétude la passion dominante de son fils pour la musique : il comprit qu’il était naturel et peut-être heureux que, dans le calme d’une vie de province, la vivacité d’esprit et d’imagination du jeune homme eût trouvé un aliment si innocent : il pensa qu’une existence plus agitée où abonderaient le mouvement et la distraction ne pourrait manquer de donner un autre cours à ses idées. Il sollicita et écrivit à Paris. La réponse ne se fit pas longtemps attendre, elle était favorable, et les huit jours étaient à peine écoulés, qu’il put annoncer à son fils qu’il venait d’être admis parmi les gardes du comte d’Artois, dans la compagnie de Crussol.