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voyait avec chagrin le peu d’effet que produisait sa musique ; le découragement se peignait dans ses traits, lorsqu’après l’air charmant : Plaisirs, doux vainqueurs, un homme se lève dans un coin du salon et montant sur un tabouret :

— Très-bien ! crie-t-il de loin à Rameau, c’est admirable, et je vous garantis que cela réussira grandement.

Tous les yeux se tournèrent vers le petit homme qui venait d’interrompre si brusquement la répétition. Il était déjà redescendu à sa place ; au peu de luxe de ses vêtements, on crut un instant que c’était un intrus qui s’était glissé dans l’assemblée ; mais tout d’un coup Rameau lui répond de sa place ;

— Merci, merci, M. Marchand, votre suffrage m’est plus cher que tous les autres et il me suffira.

Au nom du célèbre organiste, chacun comprit toute la portée de cet assentiment donné en public, et à la fin du joli chœur : À l’amour rendons les armes, qui termine le prologue, les applaudissements éclatèrent de toutes parts. Les dispositions peu bienveillantes de l’auditoire étaient totalement changées, et tous les morceaux du premier acte furent applaudis et appréciés comme ils méritaient de l’être. Rameau recevait les félicitations les plus empressées. M. de la Poplinière rayonnait de joie, quand un homme assez pauvrement vêtu s’approcha du musicien : il tira un papier de sa poche, et le déchirant sur-le-champ :

— Monsieur, dit-il, vous pouvez retirer vos 600 livres, quand on fait de pareille musique, on n’a pas