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— Le marché fut conclu. Depuis ce temps je n’ai pas cessé de poursuivre mes investigations. J’ai su qu’Armand Séguin avait été très-lié avec Viotti, qu’il avait voulu en recevoir des leçons, et que comme le grand artiste était très-occupé, il venait chez lui à cinq heures du matin pour être sûr de le prendre au saut du lit, qu’il était aux petits soins pour lui, employant tous les moyens pour capter sa bienveillance ; qu’un jour même Viotti s’étant plaint à son domestique que son café était mal fait, Armand Séguin n’avait plus voulu qu’un mercenaire se chargeât de cet office, et que c’était lui-même qui, chaque matin, préparait le déjeuner du violoniste ; j’ai pensé alors que le violon de fer-blanc pouvait bien être un don d’Armand Séguin, et j’espérais en fournir la preuve en en voyant un semblable dans cette vente ; mais voilà toutes mes espérances renversées.

— Je consolai du mieux que je pus mon Anglais de sa misfortune, et j’appris, au bout de quelques jours, qu’il était parti pour le Piémont, patrie de Viotti, courant toujours après les renseignements qui lui échappaient.

Cette conversation m’était presque entièrement sortie de la tête, lorsqu’il y a deux mois environ, je me trouvai à un dîner de la commission dramatique, placé à côté d’un de mes collègues, Ferdinand Langlé, mon ancien camarade de collège, et un de mes bons amis. Vous savez tous que Ferdinand Langlé est un des plus spirituels garçons que nous connaissions ; mais si vous lui avez entendu chanter une de ses jolies chansons de