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portière et lui dit, les yeux baissés : « M. de Lully, je suis chargé de vous conduire auprès d’une dame qui désire vous entretenir en particulier. » Notre musicien se crut alors en bonne fortune ; il jeta un coup d’œil de dépit sur sa toilette plus que négligée, son rabat chiffonné et ses vêtements en désordre, puis il tâcha de découvrir à quel hasard il pouvait devoir un semblable bonheur.

Après bien des détours dans une partie du palais qui lui était tout à fait inconnue, il fut enfin introduit dans une pièce meublée avec simplicité, mais d’une manière sévère ; partout, des tableaux de saints garnissaient la tapisserie. Il se perdait en conjectures, quand une porte s’ouvrit ; une dame, d’un extérieur imposant, s’avança vers le musicien, qui, grâce à sa mauvaise vue, ne la reconnut nullement et alla tout aussitôt se jeter à ses pieds. Mme de Maintenon fut un peu surprise d’abord de cette manière de se présenter, mais elle pensa qu’un aussi grand pécheur, qu’un homme qui passait sa vie avec des excommuniés, devait cet hommage à une vertu comme la sienne.

Aussi ne laissa-t-elle pas échapper cette occasion de faire un sermon :

M. de Lully, lui dit-elle, on prétend que vous menez une mauvaise conduite.

À cette voix, Lully releva la tête ; il reconnut alors à qui il avait affaire, et il vit bien qu’il avait fait une sottise, mais il repartit promptement :

— Moi, du tout, Madame, je mène le théâtre de l’Opéra et voilà tout.