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sait ? Mais je doute que vous réussissiez quand on aura lu. »

Il se pouvait donc que je ne fusse pas imprimée sur l’heure, que je ne sois pas connue du jour au lendemain, comme me l’avait prédit Edmond ? C’était bien la peine, en vérité, d’avoir cru à une prédiction, d’avoir durant ces deux derniers mois vécu dans la fièvre, dans le rêve, de m’être dit, chaque fois que je songeais à un grand artiste, à un grand écrivain, à un grand savant : « L’aurai-je un jour pour ami ? »

Je courus à Chauny et je rappelai à mon père son pari. J’avais fait un livre. Il s’était engagé à en payer les frais d’édition. Mon père demandait : « Quel est ce livre ? » Je refusai de lui révéler le titre et le sujet. Son amour, son admiration pour Proudhon, m’inquiétaient. Au cours d’une causerie, cependant, il me parla de la Justice dans la Révolution, et me dit :

« Malgré des pages admirables, de premier ordre, j’ai trouvé des injures si grossières sur George Sand, la grande républicaine, l’amie de Pierre Leroux, de Ledru-Rollin, et sur Daniel Stern, l’auteur loyal, l’écrivain impartial de la Révolution de 1848, que j’en suis outré, et toi tu en as été écœurée, j’espère ?

— Oui, écœurée, scandalisée ! »

Mon père estima qu’il me fallait mille francs pour faire éditer mon livre. Il me les donna en un billet, ajoutant :