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Le vieux Maure était un éclectique. Il parlait des écoles, des philosophes, avec une aisance détachée qui en faisait un causeur adorable.

Il trouvait du bon à chacune des écoles, ayant eu des amis dans toutes ; de la morale dans toutes les philosophies, les ayant soupesées. Spirituel, original, rien n’était plaisant comme une certaine moue qui préparait l’un de ses mots, toujours imprévu, décisif, et qui coupait court à toute une conversation, tant il la résumait drôlement. Il aimait de tout son cœur Jean Reynaud et Mérimée, qui se détestaient cordialement. Mérimée doutait de toutes les choses auxquelles l’auteur de Ciel et Terre croyait. En revanche, il avait foi dans les bienfaits de l’empire, tandis que Jean Reynaud accusait Napoléon III de tous les crimes.

Jean Reynaud, quand j’arrivai à Cannes, était cependant un peu moins irrité contre le régime impérial, à cause de la réunion de Nice à la France.

« C’est la seule chose que Mérimée ait blâmée, dit un jour le docteur Maure à Jean Reynaud. Il est écrit que vous ne serez jamais d’accord en rien. »

J’étais très curieuse de savoir ce que Mérimée disait de l’Impératrice, et je harcelai le docteur Maure de mes questions. Le malicieux se faisait tirer l’oreille :

« Voyons, docteur, la trouve-t-il intelligente ?