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temps toutes les époques où elle fut comprise. Elle est là, encore présente à mon souvenir ; elle n’a cessé de l’être dans toutes mes lectures où a passé, depuis que je l’ai vue et entendue, une fille d’Athènes ou de Troie.

Rachel partie, on court à Mme Ristori, à qui Rossi, tout jeune et encore inconnu, donne superbement la réplique dans Paolo, de Françoise de Rimini ; son succès est presque égal à celui de Mme Ristori. Ces représentations de la salle Ventadour, comme elles nous ont passionnés ! Les gens qui ont besoin de comparaison, tant leur esprit est étroit et impuissant à ressentir des admirations multiples, voulaient à tout prix voir, dans Mme Ristori, une rivale de Rachel. Les deux grandes tragédiennes ne se ressemblaient en rien. On ne pouvait les juger que par les contrastes.

Mme Ristori dans Myrrha, dans Marie Stuart, dans Antigone d’Alfieri, était sublime, mais tout différait entre elle et Rachel : le jeu, la compréhension du caractère d’un rôle, les attitudes. Alfieri supprime l’action. Plus de confidents, plus d’amoureux qui lui paraissent inutiles. C’est par le dialogue seul qu’il crée les situations. Mme Ristori extériorisait la passion à son premier choc, en exprimait les cruautés. Rachel graduait cette passion en des effets grandissants de contenu ; elle ne comprenait l’intensité que profonde, demi-intérieure. Rachel personnifiait la tragédie, Mme Ristori le tragique.