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la route largement ouverte des grands chevaucheurs allemands. Autour de Wagner, aucune tradition du génie musical de l’Allemagne ne s’est trouvée interrompue ou faussée. Berlioz, au contraire, a paru fatalement prendre les choses à rebours, et plus il prouvait ce qu’il voulait prouver, plus il soulevait de protestations et de résistances.

« Mais voyez la différence des âmes. Berlioz ne s’est vengé de ses insuccès qu’en forçant le public parisien à applaudir les vieux maîtres comme Gluck qui l’ont inspiré, tandis que Wagner, au milieu de ses plus grands triomphes, est resté jaloux des plus petits succès des autres. »

Listz admirait avec enthousiasme la Damnation de Faust, Roméo et Juliette, les Troyens, et me prédit, en cette année 1884, que tôt ou tard la musique de Berlioz aurait « ses jours d’acclamation ». Hélas ! le pauvre grand Berlioz était loin de ces jours tandis que nous écoutions Wagner chez Mme  de Charnacé.

Le soir de Wagner, je vis pour la première fois Edmond Adam, qui devait occuper tant de place dans ma vie. Il se tint debout toute la soirée, non loin d’une grande glace. Par le jeu de cette glace, vis-à-vis de laquelle je me trouvais, je voyais, sans que mon regard rencontrât le sien, ses yeux obstinément fixés sur moi. Un lorgnon donnait encore plus de fixité à son insupportable examen de ma personne. Je ne