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chée de connaître l’opinion intime de Sainte-Beuve sur ce « roman ». Justement, hier soir, je l’ai forcé, après bien des interrogations, à me dire son opinion sur Elle et Lui. « Je trouve heureux, m’a-t-il dit, que Mme Sand ait choisi la forme romanesque plutôt que celle d’un récit personnel de « mémoires», mais au demeurant je blâme ces révélations trop intimes. »

Sainte-Beuve à cette époque trahissait George Sand pour Mme d’Agoult, qu’il voyait dans l’intimité, car on l’apercevait à peine aux jours de réception.

« En vérité lorsqu’on a eu ce nombre d’amants, reprenait Daniel Stern, et elle les nommait et les comptait cruellement un à un sur ses doigts, il est presque ridicule d’affecter des susceptibilités si farouches pour un de plus qu’on vous prête « pendant », surtout quand on l’a eu « après », car enfin ce médecin de Venise appartient bel et bien à la série. »

Je ne puis dire à quel point je souffrais de cette conversation. J’hésitais à répondre. Encore si j’avais lu le livre, j’aurais pu trouver peut-être quelque argument :

« Un mot d’elle, écrit par elle et qu’elle a souvent redit, ajouta Mme d’Agoult, la peint tout entière : « Beaucoup de fantaisies traversent mon cerveau, mais mon cœur ne s’est jamais usé. »

Je répliquai timidement que George Sand, ayant toujours affecté des allures masculines,