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était fort discuté, trouvé sans passion dramatique et d’un coloris cru, tandis qu’on admirait beaucoup sa toile plus petite : Un combat de gladiateurs, d’une reconstitution archéologique si savante que la vie y entrait, malgré la froideur du pinceau.

À un moment donné, Mme  d’Agoult m’entraîna brusquement vers l’un des coins d’une salle. Je me rappelle encore ce coin à notre gauche, je revois en pensée le tableau dans ses plus minuscules détails. J’étais moi-même impressionnée par l’impression enthousiaste de Mme  d’Agoult, qui cependant n’aimait guère ni les paysans ni la vie de campagne, et il fallait qu’elle fût bien séduite pour admirer ainsi une femme faisant paître sa vache.

« C’est simple, c’est vrai, c’est superbement peint ; Dieu, que c’est beau ! nous dit-elle à Ronchaud et à moi. Ce n’est pas du réalisme à la Courbet, c’est la nature fixée. Regardez-moi l’attitude de cette femme. » La signature était inconnue de Mme  d’Agoult : « Millet. »

« On en parle depuis plusieurs années parmi les peintres et les amateurs de goût, nous dit Ronchaud.

— Il domine tout le salon », ajouta Mme  d’Agoult.

Ma grande amie aimait à marcher : c’est ce qui lui avait gardé sa taille élégante. M. de Ronchaud nous ayant quittées, elle me pria de l’accompagner à pied par les Champs-Elysées.