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plus inattendu, déroulaient leurs surprises dans sa conversation éblouissante.

On eût pu, à cette époque, quoique le mot ne fût pas courant, appeler Toussenel un homme de sport. Il avait le visage basané par le grand air, l’allure élégante et souple que donne la vie active. Il pouvait faire à la campagne une promenade de dix lieues dans la journée. Toussenel se sentait enfermé rue de Beaune, s’en allait et revenait sans cesse. Chacune de ses disparitions attristait ses nombreux amis qui l’accueillaient au retour avec des explosions de joie et s’abordaient, entre eux, dans la rue, par ces mots : « Toussenel est à Paris. »

Et vite on courait et l’on se retrouvait auprès du cher « revenu », comme nous l’appelions, et que Mlle Beuque accusait de trop de « papillonne ».

Lorsque Toussenel et sa vieille amie parlaient de 1’ « École », de nouveaux adeptes, d’expériences faites, leurs cœurs battaient à l’unisson, leur vie s’éclairait de rayons visibles à tous ; ils s’illuminaient. Et pourtant ni l’un ni l’autre ne connaissaient les plaisirs que donne même une modeste aisance. Tous deux étaient pauvres, et plus d’une fois la « vieille Beuque », au prix de privations personnelles, exagéra le nombre des volumes de Toussenel vendus à la librairie.

Ils étaient si patients dans les luttes journalières de la vie, si simples, de si belle humeur, on les sentait si conscients de leur supériorité