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étonnamment sobre de Mme  Favart, me firent parler de la Grèce avec passion ; de Ronchaud pensait de l'Œdipe de Jules Lacroix tout le bien que j’en pensais moi-même, et Mme  d’Agoult prétendit avec impatience que son ami de Lupicin par Claude, déjà exagérément atteint d’hellénisme, allait devenir intolérable avec une pareille alliée.

Comme toujours, selon les principes de Mme  Fauvety, nous n’avions vu Œdipe-Roi que tardivement, et ma conversation avec Mme  d’Agoult correspondait aux toutes premières représentations d’Orphée aux Enfers, dont Paris chantonnait les airs et raffolait.

« Ma chère enfant, me dit Mme  d’Agoult, je veux vous conduire aux Bouffes, cela vous modernisera un peu. À votre âge il ne faut pas être si « antique » : votre esprit en serait à tout jamais faussé. Pour Ronchaud, pour Ménard, pour Saint-Victor, passe encore, pour vous, non !

— Madame, répondis-je, la tragédie ancienne me fortifie contre le drame de ma vie présente.

— Le drame actuel vous distrairait davantage, mon enfant. Plutôt que d’aller à Œdipe-Roi, allez à l’Ambigu voir le Marchand de coco et Fanfan la Tulipe, c’est moins solennel et aussi émouvant. Croyez-moi, chère petite, soyez de votre temps.

— Pour l’amour du grec restez grecque ! ajouta Ronchaud. »