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fructueux. Après la perte de sa fortune, le Latin se suicide, ou tombe dans l’abjection. Son orgueil ne se console pas de la chute. Celui de l’Anglo-Saxon, même âgé, lui certifie que le relèvement est possible, prochain. C’est la différence des deux vanités.

Convaincus de notre valeur propre, nous exigeons d’abord que nos voisins la reconnaissent. Leur jugement favorable nous semble essentiel pour vivre. Notre malandrin lui-même assassine parfois sans profit, afin d’étonner sa bande, afin que le désintéressement de son audace lui attire les louanges de ses pairs. Nous cherchons moins à vaincre qu’à triompher. Aussi la moindre prévision d’insuccès nous détourne de l’entreprise. Avant tout il nous importe d’éviter la raillerie publique abondamment décernée chez nous à qui manque de réussir.

Le Nordique préfère vaincre à triompher. Il lui suffit qu’il se plaise, qu’il constate le fait de son gain, le réel de son acte. Ensuite, il s’enquiert peu du jugement des badauds. Son air flegmatique, le souci de s’isoler par le silence et l’affectation de la froideur l’indiquent assez. Il exige de soi l’impassibilité, comme une preuve de politesse, envers autrui, qu’il entend ne pas importuner de ses douleurs, ni de ses joies, ni de ses conseils. Nous aimons qu’on suive nos avis. Un gentleman ne s’occupe point des autres, et il réclame qu’on le laisse en paix. La civilité anglaise veut que dans un lieu public chacun semble ignorer la présence des autres. Les cockneys ne ricanent pas quand une personne butte et tombe. Ils ne se moquent