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CES DAMES AUX CHAPEAUX VERTS

rais été folle de me vexer… Vous voyez que je vous accueille avec mon meilleur sourire…

— Oui, oui, mais tout ça, ce sont des mots… Je vous prie de m’expliquer ce que vous avez fait depuis deux heures.

— Voici, ma cousine…

Arlette, avec gaminerie, s’est assise sur la plus haute marche de l’escalier. Telcide, Rosalie, Jeanne, Marie et Ernestine sont, l’une derrière l’autre, à différentes hauteurs, comme des élèves, qui assistent à un cours. L’imprévu des circonstances les déconcerte à ce point qu’elles sont bouche bée.

— Le mot « grenier », commence Arlette, est un mot magique. Pour une Parisienne, comme moi, il n’en est pas qui soit plus prometteur d’explorations et de découvertes. Dès qu’on le prononce, surgissent de toutes parts des visions charmantes. Je ne sais pas si vous me comprenez exactement. Chez mes parents, mon frère et moi, nous jouions dans une pièce de l’appartement, qui nous était pourtant réservée. C’était notre domaine, un domaine jonché de têtes de poupées brisées, de trains télescopés, de ballons crevés. Ah ! ce que nous y avons joué !… Eh bien ! souvent, au milieu de nos parties, qui étaient de vraies entreprises de démolition, nous nous exclamions en levant les bras au ciel : « Ah ! si nous étions dans un grenier, comme on s’amuserait mieux ! » Une chambre, c’est propre, c’est régulier, c’est clair. Tandis qu’un grenier, c’est taillé en pointe. C’est éclairé bizarrement avec des coins profonds et sombres. C’est niché parmi les toits et les girouettes. Les grosses solives s’entre-croisent de façon baroque. Les poutres puissantes portent une épaisse couche de poussière. Lorsqu’on passe les mains sur elles, on a l’impression de toucher un duvet très doux et on a les doigts tout noirs…

— Vos goûts sont bizarres…

— Depuis quelques jours, j’étais hantée par l’idée qu’il y avait ici un grenier…

— Il fallait nous le dire !

— Vous ne me l’avez pas demandé…

— Vous n’êtes plus en âge de jouer…

— Non. Mais je suis une fureteuse… Or, que ne