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XXV
MADAME LOUISE ACKERMANN

Le siècle était à toi. Jusque dans ses moelles
De ton souffle puissant il était pénétré ;
Les vieux voiles tombaient : tu l’avais éclairé.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Et le Christ, chancelant comme une vieille idole,
Sentait déjà sous lui la croix se dérober.
Il allait donc enfin pouvoir sur sa poitrine
Croiser ses bras lassés ; il allait respirer.

Le Christ délivré devait développer ces deux derniers vers. Tout en lui reprochant d’avoir dit : « Je n’apporte pas la paix, mais la guerre, » elle le comprenait déchiré de remords à la vue de tant de crimes commis en son nom :

Ô Christ ! depuis le jour où sur un bois infâme
De sacrilèges mains ont attaché ton corps,
Que d’horribles pensers t’ont dû traverser l’âme,
Que de regrets amers, surtout que de remords !
Oui ! vraiment, des remords ! Jusque sur ta croix même
Ils t’auront poursuivi, sans trêve ni merci.
Qu’importe la puissance et la grandeur suprême :
Tout Dieu qu’on est, l’on a sa conscience aussi.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ce n’était point la paix, non pas, mais bien la guerre
Que tu t’es proposé d’apporter ici-bas…
S’il est vrai qu’un tel mot soit sorti de ta bouche,
Ô noble Christ ! combien tu dois le regretter !
. . . . . . . . . . . . . . . . . . .
.   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   les premiers héros
Tes martyrs, étaient prêts à devenir bourreaux !