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MADAME LOUISE ACKERMANN

Charles Letourneau, le docteur Pozzi ; de jeunes normaliens : M. Aulard, M. Louis Fochier, qu’elle initiait aux secrets de la langue allemande ; des poètes : Édouard Grenier, Sully Prudhomme, Coppée, Jean Lahor, Émile Chevé, Maurice Rollinat. L’intimité des samedis de la rue des Feuillantines était précieuse à ceux qui avaient le privilège d’y être admis. L’accueil chaud et vivant de la chère vieille amie, si joyeuse à l’arrivée de ses préférés, reste inoubliable.

De nombreuses sympathies lui parvenaient de loin aussi : de Roumanie, de Hongrie, de Russie notamment, d’où on lui signalait l’admiration de Tolstoï pour ses poésies. On se faisait présenter, on avait la curiosité d’approcher du poète pessimiste. Sa rude simplicité, son absence totale de pose, déroutaient parfois les nouveaux venus, et l’ardeur avec laquelle se traduisaient ses antipathies n’était pas faite pour les rassurer. Elle avait l’exécration de tout mensonge, quel qu’il fût, et exécutait sommairement, malgré son extrême indulgence, quiconque lui paraissait transiger avec l’absolue vérité.

Mais rien ne dure sur ce triste globe. Tout