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svelte, énergique, frémissant, les yeux noirs étincelants, la moustache tombant à la gauloise, M. Marc Sangnier entra. Vite nous fîmes connaissance — au Sillon, on ne perd pas son temps à d’inutiles politesses — et, assis dans un fauteuil, les jambes croisées, le geste vif, il m’exposa toute son œuvre, telle qu’elle était à l’heure actuelle, et telle qu’il souhaitait qu’elle fût plus tard.

— Ce que nous voulons, mes amis et moi, c’est instituer dès ici-bas, ainsi que l’ordonne la doctrine catholique, le règne de la justice. En dehors du christianisme, il n’y a ni égalité, ni fraternité, il n’y a que la lutte des intérêts et la lutte pour la vie… On ne fonde pas une société sur de la haine, et on ne la crée que par l’amour. La foi catholique, loin d’être inconciliable avec la foi démocratique, la complète et la soutient ; elle est un ferment d’activité, et nous voulons justement employer, pour l’organisation interne de la démocratie, toutes les forces que le catholicisme a déposées dans nos cœurs. Or il ne suffit pas d’unir tous les gens de bonne volonté, il faut leur donner non seulement une méthode de défense, mais surtout une méthode de conquête, et ce qu’il faut conquérir, c’est l’opinion publique, car la politique qui essaye de représenter l’opinion publique est impuissante à la transformer. Donc une œuvre d’éducation démocratique s’impose, qui ne doit pas être une œuvre de parti, mais qui doit préparer des générations conscientes et énergiques, capables d’orienter la démocratie dans ses véritables voies naturelles.