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devant moi le savant que je voulais voir, celui que l’imagination populaire se plaît à se représenter à la fois un peu comme un magicien détenteur des plus mystérieux secrets et comme un sage et bienfaisant philosophe, celui enfin dont le dernier livre : Études sur la nature humaine, a apporté à notre pauvre monde l’espoir magnifique de la vie prolongée, de la vieillesse supprimée et de la mort peut-être très longtemps reculée. Je ne me souviens pas avoir eu jamais, plus qu’à ce moment, la notion humiliante de mon ignorance et de ma faiblesse. Je sentais, à un point que je ne saurais dire, quel être périssable j’étais, fait de poussière et destiné à redevenir poussière, sujet à mille maladies et guetté traîtreusement par la mort, comme un assassin guette, au détour du chemin, une victime pleine de confiance. Et pourtant je venais chercher, ici, une parole rassurante et consolatrice…

Assis sur un escabeau, la tête un peu penchée, M. MetchnikofF écouta ce que je lui disais ; puis, avec cette simplicité charmante d’un père qui explique à son enfant ce qu’il ne connaît pas, il me répondit :

— Alors que j’étais professeur de zoologie et d’anatomie comparée en Russie, cette idée naquit en mon esprit que, dans le corps humain, certains éléments avaient pour fonction de lutter contre les microbes malfaisants et de les vaincre. Ce n’était qu’une idée, une théorie, si vous voulez ; il fallait la prouver, et l’état de la microbiologie dans mon