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des esquisses de Puvis, pour ses fresques de Marseille, et l’ébauche d’un Delacroix. Je ne reconnaissais plus M. Denys Cochin. Ravi, il montrait, expliquait, discutait, racontant d’où provenaient les tableaux, et chez qui et comment il les avait eus. À côté, Maurice Denys avait décoré le fumoir avec les épisodes de la légende de saint Hubert ; dans le cabinet de travail et dans l’antichambre, des Cézanne voisinaient avec des Besnard et des Manet encore.

Cette vieille demeure, tout empreinte du calme et de la dignité de la grande bourgeoisie française, n’estimait et n’aimait comme peintres que ceux-là seuls qui, au mépris des routines et des préjugés, avaient brisé les vieilles formules, réagi contre les principes jugés infaillibles et poussé l’originalité jusqu’à l’étrange. Ainsi l’orateur éloquent de la droite, attaché aux traditions par tout le respect d’une illustre ascendance et toute la force d’une conviction profonde, le conservateur opiniâtre, sans cesse opposé aux destructeurs du passé, m’apparaissait soudain comme le plus révolutionnaire des hommes, plus avancé en art, certes ! que ne l’étaient sincèrement en politique ses adversaires.

Sans s’inquiéter cependant de tout ce que je pouvais penser. M. Denys Cochin continuait à me promener dans son appartement. Soudain il m’entraîna vers une haute fenêtre, il me montra du doigt le jardin, baigné de soleil, qui s’en allait très loin, jusqu’à la porte même du paisible cottage où vit François Coppée, et, un doigt sur les