Page:Acker - Petites Confessions, sér1, éd3.djvu/43

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moque bien vraiment de tous vos beaux mariages, qui ne sont que de sots mariages et qui unissent entre eux des jeunes gens faits pour s’unir comme moi pour commander un régiment de cuirassiers. » Rien ne l’arrête, et, pareil aux moines prêcheurs du xvie siècle, il emprunte à son vocabulaire les termes les plus terribles et les plus expressifs : « Quelle infâme et fétide comédie que vos mariages ! s’écrie-t-il. Vous, Monsieur, vous rappelez-vous le temps de vos fiançailles ? Vous avez usé votre cœur et souillé votre corps aux plus viles débauches et vous avez osé, les lèvres polluées par toutes les baves, exiger que votre fiancée vous donnât des lèvres ignorantes de tout serment et de tout baiser, une âme vierge de toute pensée impure. Ah ! vous en aviez de bonnes ! Vous étiez las, brisé et malade, il vous fallait faire une fin. Vous vous étiez bien amusé, vous aviez, comme on dit, passé votre jeunesse, personne ne songeait à vous le reprocher, c’est admis, c’est approuvé : vous aviez droit, en récompense de toutes ces ignominies, à une jeune fille innocente et blanche. Et vous vous étonnez si l’adultère est dans votre maison !… » Qu’on ne trouble pas, à un pareil moment, le sévère prédicateur ! Qu’un étourdi ne se risque pas à parler ou à remuer une chaise ! « Dieu, disait-il, a créé l’homme capable de comprendre, d’aimer… » À ce moment, un murmure indiscret s’éleva et des souliers raclèrent le sol. « Il l’a fait aussi capable de se taire, s’écria le Père en se tournant brusquemont vers le téméraire audi-