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mière partie de son prêche. Il le reprenait de mille façons, le triturant comme une pâte molle, ou mieux, le démolissant, le reconstruisant, le redressant ainsi qu’un jeu de patience qui donnerait toujours de tous ses côtés et dans toutes ses combinaisons la même figure, puis l’envoyant comme un projectile en plein visage de l’auditeur, pour le persuader et le convaincre par un argument sans réplique. Les or, les donc, les par conséquent, les par suite, se suivaient les uns les autres, en hâte, pressés et se pressant, s’entraînant, se bousculant, et la voix forte, jamais adoucie, toujours emportée, ressemblait à une voix de général dominant la mêlée et poussant ses troupes à l’attaque, tandis que le bras droit sans cesse tendu, puis replié sur la poitrine, puis de nouveau en avant, d’un geste de commandement, montrait là-bas, sur la montagne du mal, l’ennemi infâme qu’il fallait mettre en fuite. Les mots souvent échappaient à sa pensée trop rapide : il saisissait au passage le premier que son esprit rencontrait, si abstrait qu’il fût, séduit même peut-être par ce qu’un mot très abstrait pouvait avoir pour les fidèles d’inconnu et de redoutable. Parfois aussi, son ardeur un peu calmée, il s’abandonnait à quelque tournure familière, les coudes sur le bord de la chaire : « Oseriez-vous dire que le mariage peut être préparé en dehors de Dieu ? Non! n’est-ce pas ? pas possible, pas possible. » Mais vite, vite, comme s’il eût commis une faute de tactique, il s’élançait sur ses syllogismes, les ressaisissait et les précipitait de nou-