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à l’homme. Je chéris la terre qui nourrit. Pour moi , les plantes potagères deviennent des êtres de vie, et je leur découvre tout un côté secret et familier. Elles surgissent moins que les fleurs, elles tiennent plus au sol, elles rampent presque, elles ont toute l’âme de la terre. Et puis, elles sont belles.

Elle se penche, tend le bras :

— Il y a une infinie poésie dans le radis ! fait-elle…

Une question m’échappe :

— Étiez-vous, toute enfant, déjà sensible à cette poésie ?

— Non. C’est à dix-sept ans que cet amour de la nature a brusquement surgi en moi. J’avais déjà écrit des vers à douze ans, des vers mélancoliques et graves, où pesait le souci de la mort, bien que je fusse très heureuse. Ensuite, j’avais écrit des idylles grecques. Tout d’un coup, je n’ai plus eu de la vie qu’une idée végétale. Je regardais la nature vraiment comme la regardent les enfants qui sont près de la terre. Elle s’engouffrait dans mon cœur. Cela a duré deux ou trois ans. Le jour où j’ai pu la chanter, j’ai savouré toute la joie d’une délivrance… C’était un vase trop plein qui s’épanchait. Il fallait que j’écrive ; écrire était pour moi un acte aussi naturel que rire, pleurer, dormir.

— Mais alors, demandai-je, les vers ne vous procurent-ils plus de volupté, que vous veniez au roman ?

— Oh! j’écris toujours des vers, mais, à vrai