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LA COMTESSE MATHIEU DE NOAILLES

« Mais oui, je suis socialiste, anarchiste peut-être. Je crois au peuple et à la fraternité des peuples, j’ai foi dans la science qui mène à la justice et à la pitié, et j’ai l’espérance d’un avenir qui sera comme un éternel été. »

D’une voix brève, nette et chaude, Mme la comtesse de Noailles vient de jeter cette phrase avec toute la conviction d’une jeune apôtre révolutionnaire, et ma surprise est si profonde et soudaine que je ne trouve rien à répondre. Comme si j’avais rêvé, je la regarde. Elle porte une longue robe flottante de foulard bleu piqué de blanc, et ses mains qui sortent, fines et étroites, des manches aux engageantes de mousseline, serrent nerveusement le rebord doré du canapé sur lequel elle s’agenouille. Sous le casque bas de ses épais cheveux noirs, ses immenses yeux clairs illuminent d’une flamme ardente la pâleur du visage. Fragile, menue, un sourire aiguisé et mystérieux aux