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blis, jusqu’à nous. Un rire d’enfant perle tout près. C’est bien l’homme privé qui parle maintenant et mon esprit se rappelle la gaîté charmante des soirées dominicales où il réunit, après dîner, ses jeunes amis, ainsi qu’il les appelle lui-même, jeunes poètes, jeunes dramaturges, jeunes romanciers, dont le plus âgé a tout juste vingt-huit ans. Nul plus que lui, en effet, n’est soucieux de la vie moderne et de l’art contemporain, et toute cette jeunesse, à la fois ambitieuse et inexpérimentée, bruyante et ardente, le consulte, l’interroge, lui confie ses espoirs. Les doigts sans cesse occupés à rouler des cigarettes, il va d’un groupe à l’autre, dépassant les plus grands de sa haute taille, courbé vers les plus petits. C’est une symphonie entendue l’après-midi qu’il discute : c’est une pièce en répétition, L’Indiscret, d’Edmond Sée, ou La Rabouilleuse, d’Émile Fabre, dont il s’inquiète ; c’est un roman récent qui l’a séduit et qu’il loue avec un enthousiasme de jeune homme. Mme  Marcelle Tinayre ne se doute peut-être pas des lecteurs qu’il lui amena ainsi, un soir où il glorifiait La Maison du Péché, Mme  Henri de Régnier saura peut-être, par des échos affectueux, combien il fut parlé chez lui de L’Inconstante, et M. Paul Adam n’ignore pas quel admirateur fervent il possède en lui. Rien ne lui plaît cependant plus qu’une conversation générale. Il peut alors, pour ainsi dire, pousser les intelligences et les obliger à se révéler tout entières. Pour être en force, tous à l’ordinaire se liguent contre lui. Un jour il fut