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M. Besnard est allé chercher dans un coin de l’atelier un carton poussiéreux, et il en a tiré une photographie. Le voilà près de moi : il se penche, il me montre, il m’explique, et il s’emporte un peu, oh ! tout juste ce qui est permis à un homme de qualité.

— Voici mon premier envoi : une figure de source. J’avais conçu ce tableau très simplement : une femme nue s’appuyait sur une urne de terre d’où coulait un filet d’eau. Ah ! bien, oui ! il a fallu changer cela ! ce n’était pas académique, et, pour que ce fût académique, je glissai sous la femme une étoffe de velours noir et une étoffe blanche, — l’opposition des couleurs, n’est-ce pas ? — et je mis à sa jambe un bracelet. L’urne de terre devint une urne de cuivre damasquiné, et au-dessus de l’urne je peignis ce chérubin ridicule. Maintenant, vous voyez, c’est bien « Villa Médicis », c’est très mauvais.

Maintenant, ma première inquiétude me saisissait de nouveau. M. Besnard venait, après ses cinq années de Rome, de rentrer en France, et je voyais bien qu’il devait à sa vive antipathie pour l’art officiel d’avoir, peu après, passé à l’impressionnisme. Mais n’allais-je pas commettre quelques erreurs, citer un tableau pour un autre, confondre des dates ? J’avais achevé, la veille, de relire La Ruse, de Paul Adam : que pouvait faire un admirateur d’Omer Héricourt ? Perfidement, sournoisement, je parvins à interroger M. Besnard, sans me risquer en des aperçus chronologiques où je