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ALBERT BESNARD



Comme j’avais sonné, à une heure très matinale, à la porte du petit hôtel qu’habite, au delà de la place Pereire, M. Albert Besnard, je le trouvai dans la cour, prêt à sortir, coiffé d’un chapeau rond et vêtu d’un long et large manteau flottant. On finissait d’atteler deux chevaux à une voiture. « Revenez à midi, voulez-vous ? » Je fus exact au rendez-vous, mais plein d’inquiétude. J’aime la peinture pour l’émotion qu’elle me donne, la joie qu’elle me cause ou le rêve qu’elle éveille en mon cœur, mais je ne connais pas d’une manière impeccable les phases de son développement, et même je confonds parfois les dates : c’est une honte que je confesse, le front rougissant et penché vers la terre. Je craignais donc que mon ignorance historique n’apparût trop évidente au peintre qui triomphe cette année, une fois de plus, au Salon, avec le merveilleux portrait de sa femme, et qu’il ne me méprisât. Aussi quand, dans l’atelier, je le vis devant moi, grand, robuste, solide, pareil, tout ensemble, avec ses yeux bridés, malins et