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HUMOUR ET HUMORISTES

plum-pudding, ni Dora, fragile et tendre jouet, ni Agnès, ni la petite Dorritt. Peut-être M. Bernard les effrayait-il encore un peu.

M. Bernard cependant n’eut pas le loisir de s’étonner, M. Dickens secoua la tête, avec énergie, puis il leva un doigt en signe d’amical reproche.

— Vous vous défendez contre mes éloges, dit-il, vous avez tort, car vous les méritez : il faut toujours accepter les éloges justes ; les repousser c’est injurier celui qui les formule. Je veux vous dire toute la vérité. J’ai lu et relu les Mémoires d’un Jeune Homme rangé. Oh ! voilà bien le chef-d’œuvre de l’humour. Moi, toujours emporté par mon imagination, je m’enthousiasme, je m’exalte, je me passionne, et, fiévreux, maladif, je passe des attendrissements les plus éplorés aux lyrismes les plus fous. Je comprends les voix tristes ou gaies des cloches, et les hurlements du vent, et la plainte murmurante de la mer. Je peuple la nature d’êtres qui tourbillonnent, et je souffle la vie à la matière inerte. Je suis un poète encore plus qu’un humoriste. Mais vous, les