Page:Achim von Arnim - Contes bizarres, Lévy frères, 1856.djvu/301

Cette page a été validée par deux contributeurs.

encore le secret de ta naissance, et repousse toute détermination qui pourrait naître en toi ; donne-moi ta main et ta parole.

L’héritier du Majorat, assez content d’avoir encore vingt-quatre heures avant de prendre une résolution, lui baisa la main, prit congé d’elle, et courut jusqu’à sa maison pour se remettre un peu de son émotion.

Mais un nouvel incident devait l’y troubler plus profondément encore que tout le reste. Il vit devant la maison d’Esther une grande foule de juifs et de juives qui se parlaient avec animation. Comme il ne voulait pas se mêler à eux, il entra chez lui et interrogea la vieille gouvernante. Elle lui apprit qu’il y avait à peine une heure, le fiancé de la belle Esther était arrivé tout déguenillé d’Angleterre où il avait perdu tout son bien. La vieille Vasthi lui avait défendu de franchir le seuil de sa maison, et déclaré qu’il n’eût plus à penser à sa belle-fille ; mais Esther avait juré tout haut qu’elle voulait d’autant plus tenir la promesse qu’elle avait faite d’épouser le malheureux, aujourd’hui qu’il avait besoin d’elle, quoiqu’en tout autre moment sa mauvaise santé lui eût fait rompre ses fiançailles.

Là-dessus la mère Vasthi s’était emportée violemment, et l’intervention des plus anciens voisins était