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voir mener à bonne fin la conquête qu’il avait commencée, venait de terminer son expédition par la prise d’un riche navire algérien. Il était rentré en France, sa patrie, avec un titre de chevalier noblement gagné.

Le désir de renouer cette liaison improvisée dans une circonstance assez extraordinaire, le conduisit auprès de Melück. Elle l’enflamma bien vite ; et ayant appris de ses amis combien il serait difficile de la posséder, il leur jura solennellement de vaincre à tout prix sur terre celle qu’un hasard malencontreux l’avait empêché de vaincre sur mer.

Dès les premiers nœuds de son intrigue, il fut complétement éconduit : ses amis le raillèrent ; mais Saint-Luc était assez étourdi et assez corrompu pour ne reculer devant aucun moyen. Il résolut un enlèvement ; une boisson soporifique devait la priver de ses sens pendant le temps nécessaire au coup de main. Melück, sans que personne ne l’eût prévenue, et grâce, soit à son habileté, soit au hasard, changea les verres, de sorte que ce fut, non pas elle, mais Saint-Luc assoupi qui fut enlevé au milieu des rires de toute la société. De honte, il ne se représenta jamais à Marseille. Mais nous le retrouverons plus tard au milieu des plus effroyables circonstances.

Malgré son entourage d’adorateurs, Melück aspirait