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PARTENZA…

respectivement la couleur et les aspérités, l’odeur et les bons gros yeux mouillés et tranquilles, et le mufle humide que l’on devine sans l’apercevoir, enfoui sous les crins noirs de la barbe d’où s’écoule le giclement continuel d’une salive qui inonde le tapis et finit par faire, machinalement, lever nos pieds surpris de ce déluge. Il est d’une telle intensité de couleur locale, ce bandit ou ce pasteur, au milieu de nos vestons ridicules, qu’il nous intéresse malgré la chaîne d’or dont une aisance capricieusement manifestée orna son gilet grossier. Le peintre Léopold Robert s’est inspiré d’un type semblable pour son tableau du Louvre, l’Arrivée des Moissonneurs dans les Marais Pontins ; c’est le rude paysan mollement assis sur un des grands bœufs de l’attelage avec son manteau sur l’épaule, ses jambières de cuir et le long aiguillon dont il harcèle les bêtes paisibles… Nous lui pardonnons tout à ce merveilleux bonhomme inconscient de son originalité, — de sa beauté, — tout, même son odeur ; et je le remercierais volontiers pour la joie qu’il vient de me donner, vision agreste d’un fragment du passé, qui disparut, détaché en lumière, parmi les rocs légitimement orgueilleux de Cassino. — Le Mont-Cassin.

Et tant de gloire gît là-haut, sur J’aire très vénérable où le monastère bénédictin déploie ses murailles très saintes et ferme ses cloîtres très savants !…

Nous quittions en effet les Marais Pontins. Nos yeux encore inquiets de la rudesse colorée du paysan de tout à l’heure ne comptaient plus sur aucune vision douce et calme de vivante beauté.