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PARTENZA…

d’azur, ni les flots glauques de l’Arno qui chantonne entre ses vieux quais séculaires, ni Fiésole blanche dans l’émeraude des collines prochaines… Et j’ai la vision de ses pauvres dix-huit ans, plus tard, quand sa jolie figure, mâle déjà, sera plus belle encore sous les boucles coupées de ses cheveux, et fera rêver les filles qu’il ne verra pas lui sourire avec des yeux amoureux et compatissants… Quand leurs lèvres verseront leurs parfums dans ses lèvres à lui, il ne saura pas de quelles fleurs vivantes et désirables émanent ces douceurs… Ils ne peuvent que pleurer, ses pauvres yeux, fleurs mal écloses dans ses paupières blanches. Qu’ils pleurent donc, plus que la lumière à jamais inconnue, plus que Florence, plus que les regards tendres des amantes : sa mère toujours à ses côtés, sa maman dont il ignore la tendre, la douce figure veuve de toutes joies !…

Par le lung’ Arno Acciajoli ils s’éloignent, presque sans parler ; j’ai entendu qu’on l’appelait Pio, le petit aveugle… Puis, je suis resté un moment appuyé sur les balustrades du pont, au-dessus du fleuve, entre des corbeilles d’osier pleines de violettes et de roses ; j’ai fait semblant de regarder l’eau en songeant à de petits yeux qui me sont chers, des yeux rieurs sous des boucles blondes, qui auraient pu, eux aussi, ne pas exister et ne pas voir comme on les aime, si Dieu avait permis que, dans les cils fauves, des fleurs troubles fussent écloses, au lieu des étoiles qu’il y laissa tomber…

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