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LUC

ficence charnelle des pétales gonflés d’essences odorantes, que les belles épaules à peine infléchies et les bras lumineux et blonds de l’adolescent.

Julien ne sut par quels mots exprimer son étonnement et crier son admiration, tellement était imprévu ce consentement de Luc, et simplement exquise cette action dont frissonnait malgré soi le jeune peintre bouleversé de sentir si proche de ses yeux l’harmonie robuste et précieuse de l’intangible nudité.

Pour compléter le fruste habillage de Daphnis, Julien voulut lui-même fixer les sandales de cuir fauve aux pieds de son petit ami ; il le fit asseoir sur une sedia d’ébène inscrustée d’argent et d’ivoire, élevée sur deux degrés de pourpre. Un dais copié sur le dais pontifical de la Sixtine abritait le siège somptueux de ses belles lignes sévères. Le drap d’écarlate écussonné aux armes des Médicis déployait sa noble rigidité contre la haute paroi de l’atelier où s’adossait le trône offert au jouvenceau très pâle et très beau.


Julien se jouait de ce contraste entre la molle, mais toujours élégante sensualité et le sublime parfois âpre et douloureux des œuvres d’art. C’est ainsi que dans son atelier, face à la voluptueuse beauté de l’Apollino, figurait le Francois d’Assise d’Alonzo Cano. Il était sa passion, celui-ci, le saint aussi grand dans la révolte de son intelligence sur son instinct, et la misère éblouissante de ses hardes, que sont bas les plus élevés d’entre nous par la cupidité misérable de leurs petites jouissances et le mauvais goût étriqué de leurs magnificences. L’un colossal et troublant comme ce temple prodigieux d’Assise accrochant en plein roc