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faisant courir dans sa chair, mise à nu par une sensibilité presque douloureuse, tous les frissons de la Beauté, de l’Amour, de la Haine… Tous les Poètes dans ses veines, dans les globules rouges de son jeune sang généreux, charriaient des émotions que manifestaient l’étincellement de ses yeux et la langueur délicieuse et mâle de sa voix.


Et Julien retrouvait avec une inquiétude maladive, dans Lucet, ses propres aspirations vers un idéal jamais atteint mais qui, dans le chemin parcouru vers lui, offrait avec abondance les parcelles précieuses de la grande joie qu’eût donnée son insaisissable plénitude. Julien se faisait plus dédaigneux — à mesure que Luc affirmait par l’ascendante beauté de tout son jeune corps sa suprématie sur elles — des veuleries féminines prêtes à se laisser prendre, préparant les aguichements de leurs sourires, les contorsions de leurs hystériques jouissances inaptes à couvrir la nullité d’affections inconstantes, de sentiments artificiels, à fleur de peau, de fantaisies étroites comme la cervelle d’où suppurent, pressées par le rut de la vanité, de la niaiserie et du sexe malade, leurs exigences incohérentes et hargneuses.

Ah ! Lucet n’était pas tout cela, lui ! Il n’était pas le faux clinquant dont regorgent les bazars ; il était la pièce rare, le joyau, l’unique… et l’intangible ! Celui dont la vue provoque de nouvelles et inlassables joies d’un ordre tellement autre que celui des filles offertes, qu’il tient du sortilège, parce qu’il ne se peut résoudre en aucun profit matériel. Il s’exerce avec une telle véhémence sur l’âme, que cette âme se prend à

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