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LUC

naturelle comme la sienne même. La caresse attirante et lumineuse de ses yeux affirme qu’il n’a pas oublié le jeune peintre ni la joie neuve de ses propos… C’est bon de se sentir devenir homme tant que persiste le charme ravissant de l’adolescence. On va être, mais on n’est pas encore ; et cet élan vers le but lointain est la route divine trop tôt parcourue… C’est Julien qui sait bien toutes ces choses-là ; Luc reste à le câliner en grand enfant curieux, et Jeannine les sépare parce que « tout le monde » sollicite Luc Aubry de se faire entendre… On ne danse pas, Mme Marcelot s’y oppose, mais la musique égaie ce frais pêle-mêle de jeunes têtes ravissantes, et la musique est douce, exprimée par les hautbois et les mandolines : agrestes pipeaux et rires mutins. Les plus amusants des chansonniers et les plus spirituels des comédiens alternent leurs fantaisies savantes en folles gaietés avec les voix tendres des jeunes filles et cette viole d’amour : la voix lente de Lucet.


Et c’en est fini, dans cette apothéose de fraîcheur, c’en est fini du veuvage douloureux. D’autres choses encore vont cesser et se renouveler. C’en est fini de l’enfance tout ensemble effrontée et timide, de l’indifférence étrange du jeune homme. L’amour va se glisser dans la maison paisible. Nine rougissante contiendra ses bavardages, et son silence sera délicieux. Lucet parlera, et les mots de sa voix grave, quand il pensera seulement : Je t’aime, domineront de leur douceur toutes les chansons passées, et ceux qui l’entendront tressailleront en eux comme, en un vaste espace, tressaille une foule tout entière…