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LUC

nerveùx délicat et affiné, l’action de sa voix sur tout ce petit monde dont la candeur innocente diffère à peine de la limpidité de sa jeune âme. Et son cœur défaille dans la joie du baiser que vont recevoir de son âme à lui toutes ces âmes…

Luc voit, de la tribune, s’avancer vers le sanctuaire les flots immaculés des tulles blancs, le moutonnement joli des têtes couronnées de roses. Il aperçoit Jeannine à peu près à sa même place du dimanche. Elle met sur son front ses doigts frêles, signe toute la chair de son corps ému, et ses doigts frêles s’arrêtent sur son cœur comme pour en réprimer les palpitations.

Après que la voix grêle d’un petit garçon eut prié pour tous, au pied de l’autel où la messe déjà s’avance le silence se fait. Les premiers rangs des communiants et des communiantes s’émeuvent. Les robes blanches, flocons de neige égarés aux tièdes jours de mai, glissent et s’envolent à travers la nef illuminée, et le givre mouvant des adolescences se fige à la table sainte. Le prêtre élève le vase d’or. Sa dextre cueille la Fleur du pur Froment, l’élève, cependant que, blanche corolle, devant Elle s’incline l’immense floraison pâle du jeune printemps… Le prêtre descend les marches tendues de pourpre, deux enfants de chœur, porte-flambeaux, le suivent, vêtus des raides moires écarlates de leur camail bordé d’hermine. Il s’avance… L’orgue halète ; un violoncelle à lui s’unit, prélude et pleure… les sanglots s’apaisent, le prélude se meurt, et les voûtes lourdes d’encens caressent son agonie… tout frémit, fleurs, tremblantes lumières, voiles mouvants, âmes et corps : la