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LUC

de ses gestes déposait sur cette sensibilité fragile la fleur d’une intelligence déjà raisonnable. Ses beaux yeux d’improbables émeraudes dégageaient dans son fin visage expressif ce charme infini que les roses — parfaites créatures — exhalent en parfums. Julien les respirait comme il respirait l’image de ses lèvres jointes, moulées sur un masque de jeune César, et gamines, attristées aussi, eût-on dit, de pensers graves, par cela même embellies. De lourds cheveux dont Luc ne prenait plus la peine, comme à la Trinité, de contenir les joyeuses chevauchées, couraient de ses tempes à son front, et chaque boucle folle enfermait en un circuit de fraîcheur caressante son front très élégant et la timidité mignonne de ses oreilles. D’enfant vierge de tourments il se faisait jeune homme déjà ; l’ovale aminci de son visage fatigué de cernes bleu de lin marquait les récents émois de sa puberté.

Ainsi, tant qu’il chantait, Julien avait compris et détaillé ce jeune garçon alerte et frémissant dont Amour guidait la croissance pour le plaisir des yeux.

Quand Luc eut achevé la Romance de Benjamin, Julien voulut rappeler à l’enfant cette extraordinaire audition du Pie Jesu ; il insista sur l’émotion passagère dont le Tout-Paris frivole, présent à la cérémonis funèbre, ne tarda pas à oublier la divine angoisse, mais que lui, Julien, conservait en son for intime et qu’il voulait renouveler à sa source.

Julien était un gamin très doux et très grave. Luc Aubry fut son ami tout de suite. Il subissait d’avance le joug ineffable de l’affection qui s’offrait à lui pour se récupérer délicieusement, se reprendre, intaris-