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LUC

ces femmes, poseuses à l’atelier comme à la ville, sûres des génuflexions des mâles, s’étaient heurtées à la froideur du jeune artiste dont la beauté spirituelle, dès son adolescence franchie si ce n’est avant même, eût aplani les difficultés toutes factices de leurs galantes entreprises. De s’être ainsi dérobé, plusieurs ne lui pardonnaient pas. Elles avaient la nostalgie de ce corps robuste et simple, résumé en toutes ses élégances et en la hardiesse harmonieuse de ses formes, dans la plénitude élégante du visage. Une fine chevelure châtain clair se soulevait et retombait sur un beau front régulier dont les sourcils de belles lignes sertissaient des yeux aux larges pupilles cernées de prunelles noires. Un voile mauve enveloppait ces yeux attirants d’une passagère fatigue ou peut-être d’une durable mélancolie. Le nez frêle, d’une perfection classique, faisait remarquer sous son ombre des moustaches comme faites au pinceau dont s’ourlait la bouche étroite et gourmande où de la gravité reposait dans l’intervalle des sourires lents à se dessiner, prompts à se dissiper et qui laissaient après eux le regret de leur durée éphémère. Le menton était celui d’une figure de Vinci, délicat et sensuel. Il achevait en la quintessenciant la finesse du clair visage demeuré frais visage d’éphèbe, friand d’amours compliquées — ou tellement simples ! Julien Bréard venait d’avoir vingt-deux ans, on lui en donnait dix-huit, en apparence du moins ; c’était un gamin. Mais parce qu’il était rebelle aux fougueux emballements des adolescents ivres de se sentir leurs maîtres, la maturité de la pensée, en lui, primait les effervescences de l’instinct. Il avait entendu mille fois, depuis qu’une ombre