Page:Achille Essebac - Luc.djvu/55

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
45
LUC

gner Lucet, le domestique annonça : — M. Julien Bréard !

Des ah ! ah ! d’une énigmatique sympathie saluèrent son entrée, mais personne ne bougea. Le nouveau venu s’était avancé sans cérémonie vers les hôtes de Déah et vers Déah elle-même ; et Lucet remarqua avec quel étonnement aimable et quels yeux francs et clairs ce Julien Bréard le considérait.


Julien Bréard faisait partie du cénacle de Déah Swindor ; il était le plus impressionnable des peintres de notre jeune école. La fougue du son talent s’alliait heureusement avec un don de placide et pénétrante observation. La hardiesse de sa palette s’éloignait également de la facture incompréhensible et bâclée devant quoi se pâment les imbéciles et de la joliesse mièvre et léchée d’une chromo bien vernie. Son père, le portraitiste en renom, avait surveillé lui-même l’éducation artistique de son fils. Le jeune homme, à peine libre après une année de service militaire, poursuivait ses études à l’Ecole des Beaux-Arts, et répondait brillamment aux leçons paternelles. Pas à toutes cependant. L’atelier du père, Jules Bréard, était le rendez-vous de tout ce qui — à Paris — se prend et se vend de femmes ; modèles de profession ou clientes richissimes, heureuses également de jaillir vivantes de la palette somptueuse du maître, en se dépouillant pour lui plaire, de leurs dernières dentelles. Vainement Julien avait eu sous les yeux — et, peut-on dire, sous la main — ces visions que son père et maître nommait le casuel du métier et qu’il ne chercha plus à lui dissimuler dès qu’il fut en âge d’homme. Toutes

2*