Page:Achille Essebac - Luc.djvu/51

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
41
LUC

où se retrempait sa maturité. Et tous les rôles la séduisaient s’ils lui donnaient la joie morbide de se dévêtir en formes sveltes de jeunes hommes ; elle qui, femme, n’avait jamais révélé les lignes fermes encore mais sans caractère, puisque féminines, de son corps. Tout Paris attendait anxieusement son Hernani, pour le plaisir de la voir et de l’entendre ; pour le plaisir aussi que donne, même à la foule mal avertie comme aux plus fins artistes, sa compréhension’absolument géniale du théâtre.

Elle avait pris à divers poètes déjà, des personnages jusqu’alors demeurés l’apanage exclusif des acteurs ou qui, du moins, avaient rencontré chez leurs créatrices une telle médiocrité et une telle inesthétique personnification, qu’il convenait de n’en point parler. Et sa hardiesse était stupéfiante de jouer le bandit Castillan âpre, violent, mâle, et tendre aussi il est vrai. Vainement l’avait-on dissuadée de cette téméraire entreprise ; elle avait obtenu l’autorisation de jouer le drame délaissé par la Comédie-Française toute au répertoire moderne depuis quelques mois, elle tenait bon.


Lucet dans le salon encombré de mille bibelots disposés avec un goût raffiné aux quatre coins de la vaste pièce, attendait que Déah pût le recevoir. Il examinait avec une curiosité discrète et charmée la collection touffue des objets d’art. Ses yeux s’étaient arrêtés sur une copie fidèle et de superbe facture d’un Van Dyck de « l’Ermitage » : Philipp Lord Wharton, en lequel l’enfant avait cru reconnaître un portrait de Déah Swindor tant la comédienne ressemblait au