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LUC

du salon ouverte sur la scène, Mme Marcelot et Jeannine, aux premiers rangs, attentives au poème que traduisait avec son énergie farouche et sa fantasque maîtrise le grand Durey-Colbert de la Comédie-Française, son assurance fléchit ; une fraîcheur passa dans ses veines, le fit frissonner des pieds à la tête et hâta le rythme de son cœur.

Cette fois, il n’était plus le chanteur anonyme dont la voix se confondait avec les plaintes alanguies de l’orgue. Il allait être lui, pour lui-même et pour Jeannine très éloignée de savoir si près d’elle « son enfant de chœur », — son enfant de chœur mêlé déjà à ce monde extravagant des théâtres où venait de l’introduire son professeur, M. Letourneur, le maître de chapelle. Et ce monde rassis et frelaté s’étonnait. La jeunesse élégante et gentille de Lucet intriguait les vieux comédiens. Les comédiennes se demandaient pourquoi cet adolescent égarait parmi leurs froufrous violemment parfumés et leurs hâbleries provoquantes ses yeux candides.

Durey-Colbert exprimait les strophes dernières d’un vibrant poème. Luc, dont l’entrée en scène était imminente, vit arriver Déah Swindor tourbillonnante de fanfreluches, bruissante de paillettes, prise en un corsage de tulles et de guipures descendant en cascades noires constellées d’or sur sa robe fourreau toute de jais rutilant dont les sonnailles tintinnabulaient en un murmure continu autour de la grande comédienne. Son profil félin issait d’une blonde auréole de cheveux mal contenus sous une capeline faite d’un énorme bouquet de violettes de Parme ; sa bouche dédaigneuse et ses yeux gris aux longs cils filés d’un