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LUC

rêve désolant et qu’une apparition merveilleuse vient magnifier en les dispersant, les fantômes atroces du délire… Lucet veut parer la probabilité d’un coup ; et le geste de son bras nu est d’une telle harmonie, la masse ombreuse de ses yeux phosphorescents est d’une telle splendeur sous la pure lumière du front, que l’amant se replie devant l’artiste et l’ami…

Le peintre en arrêt contemple son modèle, et le joug impérieux de la beauté parfaite fait ployer sa fureur… Sa colère concentrée sur elle-même pendant des heures éternelles, allait se faire justice ; l’enfant se dévoile, opposant à la juste violence, le seul admirable bouclier de son corps…

… Julien hésite pendant une seconde douloureuse. Il était venu pour frapper et se venger, il veut frapper et se venger ! Mais quoi ! va-t-il vraiment meurtrir l’exquis adolescent dont les mains pâles se joignent en une presque supplication, dont la voix s’essore en des mots perdus sous la musique délicieuse et jeune des lèvres frémissantes… Julien se souvient de Daphnis, il voit Iohanam… Il aime Chérubin… Et Luc rassemble toutes ces images dans sa beauté enchanteresse qui, en cette minute, atteint une plénitude à jamais sans égale par la chair exaltée dans son animalité même, divinement provocante, dans l’éclat charnel des lèvres et les feux hyalins des yeux et l’ambre caressé des membres superbes !…

Et Julien va sacrifier tout cela, toutes ces joies, tout ce charme, toute cette beauté ; il va dépouiller de sa plus chère parure la route aride et désolée qui devant lui, longue encore, se déploie… Et cela parce que… parce que… Non ! non et non !… Il couvre