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LUC

Et quand, dans l’espace de deux secondes il acquiert la certitude que c’est Nine, quand il voit que c’est elle, dans l’ombre où elle n’ose parler encore et où ses bras nus et son visage font un halo de clair obscur, il interroge encore, quand même, mais plus bas ; et la passion de son jeune corps frissonnant fait trembler ses lèvres…

Il n’ose se lever ; il est nu ; il ne peut aller vers elle. L’audace de Nine l’épouvante ; et son cœur d’enfant, dans sa poitrine blanche, bat à coups doubles :

— Nine… c’est vous ?… Nine… Jeannine… c’est vous ?…

Et la voix chérie déjà se penche contre le lit de Lucet ; des chuchotements caressent les boucles légères de l’enfant ravi, et ses lèvres divinement fraîches reçoivent des lèvres hardies de Nine le « oui » qui affole sa chair voluptueuse. Et sans se voir, dans un mouvement imprévu, les bras nus de Nine rencontrent les bras nus de Chérubin. Leurs bouches étonnées se prennent… des mots curieux, des mots très doux, très caressants, très câlins et très heureux mouillent leur bouche que l’obscurité rend audacieuse…

… Mais Luc se reprend déjà, confus et raisonnable. Il veut se lever, essayer d’une résistance héroïque dans l’état de ses sens ; il veut protester de son respect, être le frère aîné de Nine et non pas l’amant… Le souvenir de Julien l’inquiète aussi ; mais il tremble de prononcer ce nom qui ferait se dissoudre la joie tumultueuse de posséder Jeannine… Et Jeannine que la bouche adorable et les bras nus de Lucet ont grisée