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LUC

le baiser promis « ce soir ». Et quelles angoisses, pourtant, si son désir, la folie honteuse et divine de son désir, tout à l’heure, allait se réaliser !… Pauvre Julien !…

Comme Nine tremblait dans l’étreinte qu’elle-même est venue chercher pour dissiper sa terreur de petit oiselet affolé !

Certes, Luc ne se peut reprocher le double crime de cette rencontre ; crime contre Julien ; crime contre sa fiancée ! Cette rencontre, rien ne la pouvait présager. La surprise en demeure souverainement attendrie et berceuse d’espoirs au plus profond de sa chair. Sa bouche, ses mains, par le seul souvenir si proche, gardent le doux émoi de la possession incomplète et trop rapide.

Il n’est pas coupable de l’avoir retenue. Julien ne peut le lui reprocher. Ce n’est pas elle non plus qui l’a recherché. Le hasard a conduit l’un vers l’autre leurs désirs, comme le vent nocturne des oasis guide vers les fleurs qu’il faut la douce fécondité du pollen errant parmi les palmes…

— Non… ce soir…

Voilà que douze coups gravement rayonnent autour du clocher et se dispersent sur l’eau, les coteaux et les bois. Tout sommeille dans le brouillard bleu qui s’élève de la Seine.

Aucune porte ne ferme, dans ce temple qui, l’hiver, reste absolument vide de tentures et de meubles.

… Si jamais Nine devait commettre cet acte exorbitant de venir, Luc ne veut pas paraître l’avoir attendue. Il ferme l’électricité et se jette tout habillé sur une chaise longue. Au milieu des ténèbres