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LUC
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comme devait le faire le duc de Richelieu, Robert emmène son ami. Tous deux, en longeant la terrasse, lèvent les yeux vers leurs parents, Edouard sous son canotier au ruban bleu pâle, Robert sous un feutre noir et mou d’une exquise déformation… et leurs yeux débordent de beauté comme une nuit d’amour silencieuse et étoilée…

Edouard qui est blond, a, dans la pochette de son veston, un caleçon de soie bleue transparent comme la buée du soir flottant entre les roseaux du fleuve ; Robert, qui est pudique autant que protestant, se sert d’un caleçon de soie noire léger comme les pétales des iris noirs qu’agitent en passant, au crépuscule, les ailes lourdes des phalènes.

Nine qui a dissipé déjà certaines ténèbres aux leçons demeurées trop peu lumineuses de Chérubin, sait à peine mais devine beaucoup… Les sorties régulières des deux enfants et le mystère de certains signaux, de certains regards — auxquels les parents ont la surprenante bonhomie de ne pas voir clair — intriguent Nine parce qu’elle retrouve en ces manifestations, la même inquiétude et les signes extérieurs par lesquels volontiers elle traduirait la sienne. À des effets semblables elle imagine des causes identiques et veut les connaître.

Un soir que Mme Marcelot l’avait priée de descendre jusqu’au bord de l’eau, en bas de Moult Plaisant pour rappeler des invités attardés à la pêche, Nine se promit, coûte que coûte, de percer le mystère des promenades chroniques de Robert et d’Edouard. Elle les avait guettés tous deux sans les voir, malgré l’heure du dîner, regagner le cottage. Nine oublia les invités