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cicusement tendre et joli dans Chérubin, chez Mme de Céailles. Mais cette révélation flattait en même temps l’amour-propre de Luc et ce fut une des raisons encore qui lui firent répondre à la correspondante dont la haute situation se dévoilait par le seul fait de sa présence chez la vicomtesse, ce soir du Mariage de Figaro.

Luc signait de son petit nom les lettres que Jeannine allait chercher à la poste, angoissée chaque fois autant de la honte qu’elle éprouvait que de la crainte de ne trouver pas la réponse de Lucet. Et chaque fois, malgré la délicatesse et l’ardeur des lettres de son petit ami, elle prenait la détermination d’arrêter net cette dangereuse correspondance’mais elle ne put s’y résoudre. Au bureau de poste de la rue d’Amsterdam, d’ailleurs, les employés ne s’inquiétaient guère d’elle et jamais elle n’avait eu à s’adresser au même…

À Moult Plaisant l’effrontée petite fille n’avait plus que la ressource d’envoyer ; il lui était impossible de rien recevoir ; on la connaissait trop à la poste et partout aux environs. Mais s’était-elle amusée ! avec une mélancolie heureuse, des polissonneries échappées au petit comédien qui, ignorant tout de sa gracieuse correspondante, n’avait pas tardé à donner une tournure des plus osées à ses épîtres.

Les lettres de Jeannine ne se permettaient jamais le moindre écart vers des formes de pensées qu’elle ignorait du reste totalement ; mais si l’expression restait conforme à l’excellence de son éducation, les pensées, elles, vagabondaient bien un peu loin sur des rives fleuries et troublantes ; et l’esquif amoureux, pour être fraîchement et spirituellement gréé, n’en